Evaluation : une nécessité objective pour prétendre à une aide publique
« Tous les citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes et par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quantité, l’assiette, le recouvrement et la durée ». Article 14, déclaration des droits de l’homme et du citoyen, 26 août1789
Ainsi « suivre l’emploi » de la « contribution publique », en mesurer la nécessité, en « déterminer » les modalités a pu s ‘inscrire comme un droit de regard des citoyens et de leurs élus sur les fonds publics.
Questionner aujourd’hui l’évaluation, c’est d’abord faire retour sur ce droit républicain, en jauger l’exercice, en explorer le devoir, en discerner les obligations.
Reconnaissons d’emblée la nécessité d’une notion, qui nous est chère: la transparence, immédiatement instruite par l’exercice d’une liberté de tous les instants des citoyens eux-mêmes et de leurs représentants.
Or, c’est bien dans ces termes que l’on peut souhaiter cadrer notre réflexion et en définir les limites. Seulement voilà, la difficulté surgit dès lors que l’on considère l’objet de la « contribution publique » ; objet bien différent et singulier s’agissant d’art, d’oeuvre d’art, d’arts vivants, de ce que l’on tient communément comme bien public avec tout ce que cela condense d’intérêt général !
Où est l’intérêt général d’une oeuvre ? La réponse ne peut être tenue pour évidente. L’art pose problème…Et complique sérieusement notre appétit d’évaluation, comme dans ce domaine, l’exercice de son mandat par l‘élu. Nous nous risquons donc, avec prudence, sur un terrain miné…Où la controverse et le dissensus nous écartent du « libre consentement » recherché par les pères fondateurs de la République.
Nous (artistes ou prétendus tels, collectivement organisés ou pas) savons devoir emprunter avec cette réflexion, un chemin ardu mais, devoir y consentir pour « avancer » …Parier sur l’échange et le dialogue sans écarter personne, sans rien occulter de la complexité du processus engagé.
Évaluation et idéologie. Retour sur les origines.
De quoi part-on ?
C’est un procès historique que l’on connaît bien que celui du rapport de l’art à l’idéologie. Dégager l’art de toute idéologie, protéger la pratique artistique d’un cadrage douteux dans l’ordre du politique et de missions édifiantes dans l’ordre du social, seront une des préoccupations constantes et conjointes des responsables politiques et culturels. Cela aboutira, entre autre chose, à confier aussi souvent que possible la direction des institutions culturelles, à des artistes…Ces derniers cumulant leur fonction poétique avec de nouvelles capacités de gestionnaire, administrateur et finalement d’homme d’affaires.
Se protéger de l’académisme et de « l’art engagé », élever l’art au-dessus de toutes contingences historiques et politiques…seront des acquis des années Malraux.[1]
Dans le même mouvement l’art devait prétendre s’affranchir de toute contingence d’ordre économique, social, politique et même culturel. Il n’avait plus qu’à répondre de lui-même et à s’auto justifier d’une métaphysique qui lui était propre. Ainsi apparut sans que jamais rien ne le fonde, le concept « excellence », dont les Affaires Culturelles feront leur postulat d’Euclide, ultime avatar de la pensée « Malraux », qui ne se justifie de rien d’autre que de la croyance au « sublime », au « transcendantaaaaale » dirait Salvador Dali en se frisant les moustaches ! Pure pensée théologique de l’art. Nouvelle religion.
L’excellence se fonde sur du vent et sur l’air du temps. Si, il est de peu de mérite de se prémunir de l’académisme d’hier, qui peut nous préserver de celui d’aujourd’hui ?
Dans tous les cas , la croyance creuse son sillon. Vieillerie. Soyons modernes nous en conjurait Rimbaud.
Peut donc, à partir de là, se repérer dans le domaine de l’art, une surenchère de la pensée religieuse, qui génère ses dévots… Ses intégristes, et au bout du compte ses
« experts » ! À cette pensée métaphysique de l’art … s’oppose un autre système (de penser) où les considérations économiques, sociales et politiques retrouvent un nouveau droit de citer. [2] On obtient ainsi un produit idéologique hybride : un conglomérat savamment dosé de « religiosité » et de données empruntées au réel de l’économie marchande et libérale. Et vogue la galère !
L’imposture fila bon train jusqu’à ce que surgit dans ce consensus mou l’insupportable hydre de la contradiction triomphante. (cachez-moi cette horreur que je ne saurais voir). La crise éclata en 2003 avec le mouvement des intermittents – Ô les vilains petits canards ! se mirent sur orbite une foultitude d’organisations nouvelles dont SYNAVI et UFISC pour une remise en cause tout azimut de l’ordre établi culturel. Fin du consensus mou. Réveil brutal. Les ennuis commencent !
Comment opère la prise d’intérêt du politique sur la culture ?
On voulait les problèmes réglés : Vadé rétro Satanas : le diable sort de sa boite. Politique et culture ? Il nous faut à nouveau évaluer ou ré évaluer les données du problème. Quel intérêt portent à la culture les responsables politiques ? Comment peuvent-ils s’y impliquer. Y Retrouve-t-on un clivage droite/gauche ? Comment chacun y trouve-t-il son compte ? Évaluation pour évaluation, celle-là en vaut une autre. Façon de dire qu’une évaluation dite artistique, plus ou moins possible, peut en cacher une autre …bien identifiable. Enjeux et calculs électoraux réhabilitent l’ usage de la calculette…Et tant qu’à calculer, allons jusqu’au bout : tenons le « fric » qu’on y consacre comme référence de base. Au bout du compte : montant du chèque ?
Le rapport aux moyens financiers dont on dispose comme maître étalon de la capacité d’évaluer le travail artistique
On connaît bien le refus d’opérer qu’ont pu –courageusement- adopter certains comités d’experts (de la danse !) sommés d’exercer leur art dans le cadre de restrictions budgétaires trop importantes à leurs yeux. Dans un tel contexte : Quel sens et crédit pouvait-on alors accorder à leur expertise ?
Ce que faisant ces experts dont on ne saluera jamais assez le courage et la pertinence, ont reconnu qu’aucune expertise n’a de sens isolée de son contexte économique et politique. Foin de la sacro sainte indépendance et liberté de jugement à l’abri desquels certains experts prétendent opérer. D’ailleurs bien d’autres dangers menacent les instances qui les rassemblent !
Quand on observe qu’un comité d’experts insensiblement se bonifie et se renforce outre mesure de « diffuseurs patentés », on observe bien là, une « dérive » qui transforme, à son insu, le comité en organe de régulation (et de rationalisation de la loi de l’offre et de la demande). Il s’agit du Comité d’expert de Basse Normandie pour ne pas le nommer. [3]mais –estimons-nous- d’une autre manière, l’Office de Diffusion de Normandie (ODIA) se trouve confronté à une dérive à l’identique.[4]
Retour en force du quantitatif
Pour revenir un instant sur les considérations économiques (version conservatrice) : elles passent beaucoup par le retour du « quantitatif » insidieusement mais sûrement ré investi. Le retour sur investissement fait mode. On déplore un certain laxisme, une certaine irresponsabilité des artistes. Une désinvolture coupable vis-à-vis des deniers publics.[5] Retour en force du combien ? Combien de représentations ? salle vide ou pleine ? Quand même…Il importe peu ! (point de vue religieux) mais on y revient quand même ! La salle était-elle pleine ? ( réalisme et économie libérale).
L’industrie culturelle de masse reste insidieusement une composante de référence. La culture ; source d’exploitation et de profits c’est une réalité…dont on s’interdit de faire un paramètre d’évaluation. Il faut donc savoir le faire mine de rien… Voilà où le talent s’emploie.
De la culture comme auxiliaire du développement économique : attractivité et restauration de la force de travail des couches moyennes
L’attractivité est une autre composante de la valeur ajoutée du fait culturel. Du ça paie et du ça vaut et ça peut rapporter gros. Donc : bon investissement et bons profits co-latéraux. C’est vérifié et calculé : indéniable. L’attractivité culturelle de la France en fait le « number one » du tourisme dans le monde. C’est un fait et la donnée artistique joue sa partition dans cet immense parc d’attraction et de loisirs qu’est devenue notre beau pays. Le bras armé de cette conquête du monde ce sont nos festivals et le culte de l’événement. Surenchère et inflation de l’attractivité … d’un territoire, peut, se penser et se concevoir à partir du vecteur culturel… Quel élu, un tant soit peu responsable, n’aura pas le souci du développement de son territoire ?
D’autant qu’au souci d’attirer des usines[6] a succéder la nécessité d’attirer et d’organiser de nouvelles formes de développement et d’activités créatrices d’emploi. Le secteur tertiaire, le secteur des services, la recherche et donc la culture sont des dimensions modernes du développement capitaliste. Attirer capitaux et entreprises demande donc une politique culturelle attractive. Dans ce contexte : l’ innovation devient le maître-mot, le sésame du développement économique.
Enfin même si elle est d’ordre intellectuel plus que manuelle, une force de travail a besoin de se restaurer, de se renouveler …Bref , il faut trouver l’opium[7] de ce peuple de travailleurs là et la culture, le loisir culturel, l’art sont tout indiqués pour remplir cet office de salubrité publique. L’exploitation gangrène toutes les formes de la vie économique et sociale. Comme dirait Pierre Dac : « la culture est le nouvel élixir des classes qui boivent »
On l’aura compris le contexte idéologique de toute évaluation existe…Et ce contexte n’est pas innocent. Nous l’avons dit et le répétons le terrain est miné…Autrement dit tout discours sur l’évaluation est hasardeux… On ne peut s’y risquer qu’avec une solide analyse du contexte économique sociale et politique[8]. À l’évidence, beaucoup de paramètre à maîtriser.
Est-il possible au bout du compte, de procéder à une évaluation strictement dégagée de toutes contingences économiques, sociales et politiques comme peut y prétend l’artiste lui-même, oeuvrant en toute indépendance ? Y prétendre n’est pas nécessairement y parvenir.…Et qui y parviendrait, pourrait bien encore rester objet légitime de suspicion.
Données nouvelles pour repenser la relation art et espace public
C’est à la charte fondatrice du Synavi que nous emprunterons présentement nos éléments de réflexions, pour aller plus avant. Que dit cette charte dans son article 2 ?
« La place essentielle des artistes dans ces structures3 met en évidence les liens de l’activité de création et de la vie publique. L’activité artistique y est en prise directe avec la société et l’espace public, dans un rapport d’interaction concrète, de dialogue, voire de résistance. Les structures artistiques et culturelles indépendantes sont des espaces nécessaires de libre expression et de débats. Elles forment de petites enclaves d’utopie au coeur du réel. Elles permettent de résister au laminage de la subjectivité et à la normalisation des sensibilités. Leur existence fait jouer à la pratique de la création un rôle essentiel dans la démocratie. »
Réfléchir l’évaluation dans le domaine des arts, et particulièrement des « arts vivants » ne peut se faire sans questionner et enrichir de nouvelles dimensions la notion de démocratie. En effet, comment passer du plus singulier au plus général sans trahir ni réduire ni le singulier, ni le général ?
Comment verser un acte singulier, irréductiblement singulier au compte de l’intérêt général ? Voilà bien l’amorce d’un paradoxe complexe qui va bien au-delà d’une modeste enclave d’utopie !
Toujours dans cette même charte on peut lire (article 5)
« Dans tous ces domaines, les structures de la création indépendante participent à des missions de service public. Elles s’engagent à demander à l’Etat et aux collectivités locales de prendre enfin la mesure de leur engagement et de réévaluer leurs politiques de financement à leur égard. »
C’est bien dans la volonté de participer à des missions de service public que s’ inscrivent désormais la plupart des structures dites indépendantes et donc elles s’engagent à
« rendre des comptes » quand elles bénéficient d’argent public au titre de l’accomplissement de missions reconnues et identifiées par la puissance publique.
Comment prétendre à cette place et à cette mission, sans observer et évaluer, c’est-à-dire sans la volonté de « rendre compte » et de comprendre « comment ça marche », tant dans les oeuvres présentées, le fonctionnement et les actions des équipes artistiques, que dans le cadre plus large des objectifs poursuivis par les politiques culturelles ?
Dans ces conditions, l’évaluation peut consister en un examen rigoureux dans un cadre légal qui confère une légitimité aux jugements portés, de tous les éléments constitutifs de
l’oeuvre accompli et de tout ce qui concoure à en améliorer l’impact. De fait c’est le montage des critères et des paramètres : le coefficient qu’on leur accorde qui doit être soigneusement soupesé car les dérives viennent de qui peuvent fausser l’évaluation. Corrélativement à quoi , il faut s’assurer et se garantir d’une pluralité des jugements.
Reconnaître la spécificité des politiques culturelles
« Le premier principe de l’évaluation de la politique culturelle impose de négocier un volet évaluatif portant spécifiquement sur les valeurs culturelles. Cette affirmation d’une spécificité est un préalable à toute négociation sur l’évaluation des retombées « utiles » de l’action culturelle. L’exigence est importante et supposera une mobilisation politique forte » Jean Michel Lucas
Sous l’aspect stricte de la relation au législateur et à la puissance publique, l’état de la réflexion actuel doit beaucoup à Jean-Michel Lucas. ( alias Casimir) Et c’est à lui que nous empruntons l’essentiel des réflexions qui suivent.
La politique culturelle ne dispose pas, aujourd’hui, de modes d’évaluation autonomes. Elle trouve sa justification dans la légitimité des autres politiques publiques et s’évalue à l’aune de son « utilité » pour les autres finalités publiques. C’est ainsi que nous la trouverons mesurée avec des indicateurs propres à l’emploi, au tourisme, à la formation et à l’éducation, à l’économie et au développement des entreprises, …
L’enjeu d’une politique culturelle spécifique n’est pas de désigner les objets d’art eux-mêmes mais de mettre en place des dispositifs d’évaluation des productions artistiques qui opèrent au nom de l’intérêt général, sans se soumettre aux indications et lois du marché ou au principe de la demande du public qui lui est associée.
Cette question de l’autonomie de la culture par rapport aux autres politiques conditionne la possibilité d’en repenser le sens mais aussi de penser comment l’art est à l’oeuvre au sein de la société. Et dans ce travail, la notion de confrontation est essentielle tant entre les professionnels eux-mêmes qu’avec les décideurs.
Pourquoi « confrontation » et non « partage » ? Parce que ce n’est pas le consensus qui est recherché, mais la prise en compte de la pluralité des points de vue, y compris dans leurs conflits possibles, dans la décision qui devra être prise ensuite par le décideur.
L’évaluation, un outil pluraliste de compréhension,
une démarche collective
Nous avons commencé à l’indiquer, nous pensons que l’évaluation est une démarche collective et organisée de construction de jugements pratiques portés en vue d’une action ou d’une décision. Elle consiste en l’examen rigoureux d’une action publique projetée ou exécutée en tant qu’action artistique et culturelle.
Cet examen requiert un cadre institutionnel qui confère une légitimité aux observations et jugements portés.
Plus que de dire si c’est bien ou mal en se focalisant sur un résultat, on s’attachera à saisir le processus ou la démarche dans toutes ses composantes en bonifiant au passage une meilleure connaissance des conditions de mise en oeuvre des interventions publiques et de la réalité concrète des mutations et transformations sociales que cela peut provoquer.
Concept nouveau : la co-construction
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La détermination des valeurs artistiques et culturelles qui sont bonnes pour l’intérêt général n’est jamais réglée une fois pour toute. La politique culturelle s’initie et se construit par et dans la discussion publique, elle est co-construite. Ce principe de co-construction est un enjeu de démocratie. Il signifie que la complexité des situations est en permanence assumée par l’instance qui associe acteurs et décideurs.[9] De nombreux dispositifs de confrontation avec les acteurs associatifs, les professionnels, les élus, peuvent jouer leur rôle sous forme de « comités », « organismes paritaires », « chartes déontologiques », « protocole de travail », « assises locales ou départementales »,… Ils permettent de confronter le sens et les valeurs d’acteurs différents engagés dans un mouvement complexe. La politique publique devient ainsi co-élaborée, elle organise la discussion sur l’ensemble des choix, met en place les dispositifs de concertation.
Théorie de l’exception
Le trait d’une oeuvre n’est pas l’excellence mais l’exception ou la singularité très affirmée de l’oeuvre. Il nous[10] semble que, dans l’ordre de l’artistique, l’évaluation doive procéder de deux positions sans qu’il y ait à veiller à leur compatibilité. La première position se rapporte au savoir, travail d’archiviste et de repérage des savoirs et savoirs faire constitués, l’oeuvre s’inscrit plus ou moins dans une histoire (histoire de l’art) et il existe donc d’origine universitaire ou journalistique (défini comme la critique) un creuset de connaissance qui peut contribuer à nommer l’oeuvre.
La deuxième position relèverait de l’inconnu de soi. Du non savoir et de la place souveraine qu’il est possible de lui accordée. L’une et l’autre positions cohabitent avec plus ou moins de bonheur mais c’est de la gestion intelligente de l’une et l’autre que ressort l’exercice. Oui, il y faut une éthique, un sens subtil de l’équilibre, une ouverture d’esprit appropriée.
Au total, on voudrait que l’exercice ne soit jamais expéditif ! Or confié à des professionnels ou amateurs éclairés ; il va s’exercer le plus souvent sans moyen, sans accorder le temps nécessaire, à la va-vite …En amateur ! Dans une disproportion assez sidérante de ce qui constitue le travail des uns (les artistes) et l’absence de travail des autres ( les évaluateurs). Bref, se donne-t-on les moyens de son ambition ? La réponse est non !
La « critique » n’a pas suivi la dynamique de développement du secteur culturel ; elle est restée « scotchée » à la crise de la presse…La médiation de l’opinion publique n’a plus sa mesure et son orchestration.[11]
La pluralité des jugements n’a plus aucune assise…Il n’y a pas deux points de vue, il n’y en a plus qu’un quand il apparaît. Un peu court !
Evaluer les évaluateurs
Qui t’a fait roi ? La question se pose ou devrait se poser et même se reposer. Evaluer les évaluateurs… Devrait être une affaire entendue. Personne ne l’entend. Chacun court après sa rente de situation …D’où que l’on opère. Dans cette compréhension, l’évaluation devrait elle-même être « évaluée », c’est-à-dire organisée pour être mise en débat public, en permanence. Nous sommes loin du compte.
Sans doute souffre-t-on d’une sous évaluation chronique qui va de pair avec des surévaluations sauvages ! On arrête pas de faire dans l’à peu près, ce qui nuit au travail du véritable évaluateur qui se sent responsable et investi.
Il y a de réelles expertises possibles correspondant à un travail réel possible et dont l’expert n’a pas à rougir. Crée-t-on les conditions d’un tel travail ? Rien n’est moins sûr. On préfère s’en tenir à de l’amateurisme…Amateurisme à quoi l’on astreint même la personne experte et compétente. C’est le nivellement par le bas ! Il faudrait créer des conditions d’expertise et de contre-expertise ( deux points de vue travaillés et non concertés) simplement sérieuses ( et effectivement rémunérés, produites contre honoraires)
Il y a pourtant, même en matière de recherche, moyen d’évaluer le chercheur ! Non pas parce qu’il aurait trouvé…Mais parce qu’il répond de la mise en œuvre d’un protocole. Notion parfaitement étrangère à la pratique artistique : on préfère projet (avec avant même la mise au travail, une anticipation des résultats …C’est moins risqué qu’un protocole et donc mieux contrôlable).On doit donc se dire que la sous évaluation permanente et sauvage serait la rançon d’une navigation à vue et d’une précarité structurée pour durer.
En effet il y a toujours un « ça ne vaut rien » pour justifier le « turn over » dont les artistes font l’objet et justifier un sous financement endémique qui INTERDIT la reconnaissance effective de ce qu’une vie puisse être d’artiste !
Sauf exception, cela n’est pas prévu même avec l’imposture de l’excellence. Il n’y a officiellement d’artiste reconnu dans une permanence de leur pratique, que mort !
Curieuse façon de vivre.
JP DUPUY 30 jan 2009 ADADA
En fev 2009, l’adada a tenu son assemblée générale sur le thème de l’évaluation ; Ce texte vient couronner la réflexion alors engagée : il ne prétend pas clore le débat ; il demande donc à être amendé, corrigé et discuté. Il sera alors présenté au vote à notre prochaine AG de février 2010.
Notes
1.Même le PCF alors au sommet de sa puissance, saura en 1967 lors d’une conférence nationale exceptionnelle sur la culture, tenue à Argenteuil, affirmer que « l’art n’est pas réductible à l’idéologie ». Il est vrai que l’affaire du portrait de Staline avait déclenché un séisme quelques années (1956) plus tôt dans les rangs des intellectuels communistes alors fort nombreux. Argenteuil fut donc l’aboutissement d’une longue maturation qui permettra à la mouvance communiste d’observer une bienveillante et néanmoins critique neutralité vis-à-vis de la politique de Malraux
2.C’est ainsi qu’une commission de l’ARDES (Association Régionale de Développement de l’Économie Solidaire) essaie d’interroger et de discerner les paramètres et critères sociaux du travail artistique dans sa réalisation comme dans sa diffusion.
3. Stigmatiser le dit comité n’est pas de notre propos.
4.Lui aussi perd sa qualité de soutien à la diffusion (et donc à l’existence des compagnies) pour n’être plus, sauf exception qu’un organe de régulation et de sélection pour l’entrer des artistes dans le métier.
5. Nous avons déploré en son temps, certaines polémiques désastreuses dont fut saisie l’opinion publique à l’occasion du changement de tête à la direction du CDN.
6. À l’heure de la mondialisation, renforcer le tissu industriel d’une Région est devenu une gageure, un pari intenable …Il faut donc bien se tourner vers une autre stratégie –compte tenu du libéralisme capitaliste mondialisé ( chine comprise)- et jouer la carte culture prend alors tout son sens ; Un sens relativement irréversible : pas d’autres cartes à jouer en dehors de la reconversion vers l’écologie et le développement durable.
7. Explosion phénoménale de la consommation de cocaïne et autre drogue dure dans tous les milieux.
8. Inutile de dire que nous n’en avons pas la prétention. On ne fait ici que mettre le doigt (le petit) sur cette dimension du problème.
9. Outre Jean-Michel Lucas dont on s’excuse incidemment de travestir la pensée, notre réflexion doit beaucoup au SYNAVI qui a beaucoup réfléchit la question et dont on trouve la meilleure trace dans ces « cahiers ». Cahier n° 1 présenté à Avignon l’été dernier. Juillet 2009.
10. Pour la théorie de l ‘exception qui peut vaguement se référencer à Philippe Sollers, ce serait plutôt notre ami Laurent Frattale responsable national du Synavi, coprésident du CRSV B-N qui m’en offrit la primeur. Je l’en remercie bien volontiers.
11.Heureusement internet a ouvert de nouvelle piste …On peut donc trouver de la critique avertie sur le Web et notamment l’insensé-scenes qui rassemble de nombreuses signatures qui couvrent de nombreuses prestations de la région. Lot de consolation…dans un désert sans fin dont ne peuvent que souffrir les artistes d’ici …Et d’ailleurs.
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