ADADA

Association de Défense des Artistes et de Développement des Arts

Shakespeare Furioso‭…‬Un bonheur total ‭!

Défendre les artistes l’Adada entend le faire de toutes les manières.
Ci-dessous un témoignage enthousiaste concernant Shakespeare fracas et furies des frères Fauvel, donné au Centre Dramatique jusqu’au 6 février prochain.
L’adada publie et publiera sur son blog tout témoignage ou critique à condition qu’ils soient positifs puisque notre règle c’est la défense et la promotion de l’art.

Ceci n’est pas une critique. Juste un écho. Une évaluation à chaud ! une parole. Je m’en tiens à un blabla, je le confesse ! Je vais dé-blabla-térer : j’ai vu la Desdémone et l’Ophélie de Shakeaspare des frères Fauvel c’est mon appellation intime et personnelle du théâtre desFuries) . J’ai vu et je dirais ce que j’ai vu. Je vais donc J’ai eu un plaisir considérable à voir ce que j’ai vu et je dirais de quoi a procédé ce plaisirQue je m’emploie à prolonger par le biais de ce témoignage !

J’ai plaisir à me rappeler, à me remémorer certaines images, à prolonger ma réflexion sans souci d’ordre, sans souci d’édification…D’autres pencheront leur front studieux sur les attendus de ce spectacle…D’autres expliqueront et éclaireront les tenants et aboutissants…Pour ma part, je me suis plutôt pris au jeu…Et, pour lors, cela suffit à mon bonheur. J’y trouve entière et pleine satisfactionJe diffère d’en savoir plus. Je m’offre la situation bien connue de l’innocent aux mains pleines. « On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans ! » . Je serais donc lamentablement, pas sérieux ! Mes propos seront de bistrot, entre bière et limonade…Shakespeare and Co traité comme une affaires courante, comme on commente le dernier match du stade Malherbe, comme entre potes, on s’épanche en confidences, sur la beauté des damesAh la Ophélie ! Wouais ! WouaisEt Desdémone ? Hein , qu’est-ce que t’en dis ? …Purée de moine « Un soir, j’ai assis la Beauté sur mes genoux »…Soir de janvier 2009, au Centre Dramatique de Normandie (32 rue des cordes à Caen) se donnait « Shakespeare de fracas et de furie ». J’y étais.Le spectacle s’y joue jusqu’au 6 février.

J’applaudis à tout rompre
Entre fracas et furie

Applaudir. Sans surprise, on finit par le faire. Rituel social de fin de spectacle. J’applaudis à tout rompre et je vois, à deux fauteuils de moi, même rang, un couple plutôt d’âge mûr, sombrement clos sur lui-même, imperturbable, impavide..De marbre. Une pierre tombale.Et au deuxième rang, devant moi, légèrement à ma gauche, un autre couplejeune celui-là- qui non seulement applaudit mais donne de la voix et s’offrecomble d’insolence juvénile- une standing ovation !

Contraste saisissant et total.

Digression 1
J’avais déjà vu çace phénomène làavec « le malheur de Job » d’un certain Jean Lambert-wild! Vu et revu avec « idiot cherche village » d’un certain autre Thomas Ferrand. Avec ce « Shakespeare », on peut dire et. De trois ! Il y a là, dans ce cadre là : Centre Dramatique …Un phénomène manifestement nouveau. Un enjeu nouveau ? Problème de personnes ? Enjeux artistiques ? Problème générationnel ?Je tourne autour du potMais ma religion est belle et bien établie. Oui, la question des questions, c’est l’art ou la culture : il faut choisir ! Et pour moien dernière instance- la seule question qui vaille c’est la réalité du geste artistiquesa réalisation pratique et concrète par l’artiste devant un public. Et c’est vraiment cela qui est observé et observable en ce moment, au Centre Dramatique National. Quel théâtre voulons-nous ? Un débat peut en cacher un autre. Le débat sur les problèmes économiques, structurels de l’institution empêche qu’on se saisisse, à bras le corps, du débat sur l’art théâtral. Empêche que l’on s’inquiète des contradictions et oppositions qui travaillent le théâtre et ses œuvres. Quel théâtre ? Quel théâtre et pour qui ? Avec qui ? Hein ? hein !

Donc le jeune couple applaudit devant et debout : clap, clap !

Et comme je clappe aussi avec ardeur, j’embrasse dans un même mouvement d’enthousiasme les acteurs et le jeune couple interposé. À juste titre, pensé-je alors, car ce spectacle-là, a besoin, pour prendre sa vraie dimension, de spectateurs actifs. Public actif de cette qualité qui lui est propre et possible : avoir un imaginaire actif, participer à l’élaboration du langage proposé. Si le spectateur ne veut pas donner du sien (de sa capacité à collaborer) si, il veut s’en tenir à un strict rapport de consommation sans s’amuser d’une participation ludique, alors il ne peut que s’ennuyer furieusement !

Il lui est accordée, une liberté d’interprétation et de composition dont l’usage fait tout le plaisir et le bonheur de la rencontre avec le travail proposé. Réfuter cette liberté, c’est donc se condamner à un ennui, voire une incompréhension mortels. On l’aura compris, je ne me suis pas privé de ce plaisir là. J’en ai usé et j’en abuse encore, en jouant, ici, les prolongations.


Digression
2
L’enthousiasme au théâtreSe traduit par un regain de jeunesse ! Embrassons nous, le spectacle est beau ! l’euphorie conduit à des transports et des manifestations idiotes, puériles et impudiques. Il y a un « on se fout de tout » quand l’enthousiasme vous prend…Un relâchement sensible traduit l’ivresse à laquelle on s’abandonne…Et c’est tant pis pour les doctes, les pisse-froids et autres cul-sérrés…Mais Rabelais déjà, s’en ait fait gorge chaude ! Le plaisir reçu sollicite que l’on bouscule la bienséance et que l’on chahute la langue. Ainsi ce « Shakespeare » incite à des débordements. Il divise et clive sérieusement et passionnément. Je ne suis pas dupe de mes débordements…Et, de ce que mon adhésion a de fulminante !

Je me consent Auguste et bouffon dans cette affaire. M’octroie le beau rôle, j’en conviens. Toujours à ma convenance, le non-participant, le spectateur sagement réservé, endosse –qu’il me pardonne- la barboteuse bien taillée du clown blanc. Si ce spectateur n’existait pas, il faudrait l’inventer. Paramètre utile, il défend la raison tandis quAuguste s’abandonne au délire ! Au bout du compte, l’un ne va pas sans l’autre. Le clown de Shakespeare, n’est qu’un honnête paysan habité de bon sens.

Le bon sens n’est sûrement pas ce que convoque le spectacle des frères Fauvel qui s’amusent de l’insensé, d’absenter le sens, de le perdre et de le chercher ! Mais où est-il passé ce foutu sens ! Où ai-je pu fourrer mes clefs ! Où sont passées mes pantoufles chantait le regretté Jean Constantin : mes pantouf -touf touf’s ! Mes pantouf-touf-touf’s ! Mes pantouf’s ! Mes pantouf’s !

La règle du jeu implique que le spectateur collaborateur occasionnel de l’œuvre, la signe.

L’applaudir serait donc bien, ici, la co-signer. Pourtant, comme nous l’allons voir : nous sommes loin de tenir ce spectacle pour une auberge espagnole. Si chacun doit apporter sa contribution, elle est sollicitée dans un registre et un cadre précis : les conventions que l’on prête au théâtre élisabéthain. Voulez-vous jouer Shakespeare avec moi. Telle pourrait être l’invitation heureusement formulée. La réponse ?

SHAKESPEARE / ABSOLUMENT !


Qu’est-ce que le théâtre
? Du théâtre en occident ? Du théâtre  tout continent ? Qu’est-ce que l’on retrouve tout le temps et en tout lieu qui serait l’élément constitutif du théâtre, son postulat d’Euclide ?

La réponse (elle est loin de m’appartenir ) serait, pourrait bien être : le simulacre.

Prenez la chose à l’envers : enlever le simulacre, que reste-t-il du théâtre ?

Pour moi, rien. J’avoue, je concède : si j’ai passion du théâtre, c’est du simulacre qu’elle relève ! Reproduction, représentation, fiction, faux-semblant et vrai-semblant, le simulacre se décline à toutes les sauces. Mais il n’est pas toujours permis d’en jouer et d’en jouir. Quand cela est : j’en suis ravi. Je suis donc, incontestablement de parti pris pour l’art du simulacre.

Digression 3
Définition petit Larousse du Simulacre n.m. (du latin. Simulacrum, reproduction).Image, statue, Fantôme, apparition, vision : voir en rêve de vains simulacres ; les simulacres des faux dieux. Apparences sans réalité ; semblant : sous Jules César, il n’y avait à Rome qu’un simulacre de république. Représentation, action simulée : faire un simulacre de combat, de débarquement.

Comme le simulacre (de mon point de vue) est consubstantiel à l’existence même du théâtre ; du goût et du plaisir qu’on en y prend, découle goût et plaisir pour cet art singulier : le théâtre.

Brecht souhaitait qu’il y ait une lisibilité du théâtre comme il y a lisibilité du sport. Il disait que le spectateur qui vient au théâtre, doit savoir à quel sport on l’invite à participer.

Ainsi, il souhaitait que l’on distingue les théâtre(s). Le théâtre épique à distinguer du théâtre dramatique. Justement, dans l’un et l’autre théâtre, le simulacre n’y a pas le même statut. Le simulacre se montre ou se dissimule ? Et cela montre ou dissimule quoi ? Le processus de production ! Expose ou dissimule ce qui est produit sur le plateau.

Par exemple, le naturalisme est un simulacre où l’on doit confondre la chose représentée avec la chose elle-même. Rendre le plus possible illisible le simulacre ! Que l’on parvienne à l’oublier et que le leurre remplisse parfaitement son office…Ce théâtre-là s’organise sur un trompe l’œil impliquant un certain jeu des acteurs. Tromper, créer l’illusion du réel, tel est le but poursuivi. À quelle fin ? Ce peut être pour une bonneou mauvaise cause ; Le spectateur est mis devant un fait accompli. L’affaire est entendue. Nous n’ouvrirons pas ici, le débat.

À l’opposé, il peut exister un théâtre qui montre son ressort, son processus de production : ce théâtre-là mettra en évidence le simulacre : comment il se produit ! À quoi il sert. Personne n’est dupe. La proposition des frères Fauvel se rapproche plutôt de cette hypothèse, mais elle excède et dépasse la position brechtienneElle ajoute au « personne n’est dupe » le libre consentement des spectateurs à l’être ! Absence totale de garde-fou ! Voilà le risque encouru. C’est même de ce risque-là que les frères Fauvel font un emploi radical…Ils font du simulacre et de sa lecture la clef de voûte de leur jeu, de leur théâtre, du plaisir qu’ils y prennent et qu’ils proposent en partage !

N’est dupe que, qui y consent, ne s’y trompe que, qui se pique au jeu. Au jeu ! Car ici, le jeu est souverain à travers un feu d’artifice de propositions. Un seuil est franchi…par lequel peut s’engouffrer et se fonder une critique et quelques réticences.

Du jeu avant toute chose
Primauté de l’acteur

Exposer le simulacre, c’est-à-dire, les moyens que l’on a de leurrer et tromper les gens, nous paraît aujourd’hui comme hier, d’un grand mérite. Parce que, les manipulateurs de tout poil disposent de moyens modernes, hyper sophistiqués et qu’à l’opposé, les moyens employés par les frères Fauvel sont hyper archaïques. Ils donnent tout à voir. la pauvreté des moyens du théâtre fait ici loi…Le plus pauvre étant bel et bien : l’acteur !

Se donner par le moyen quasi exclusif, de cet être chétif et mal dégrossi qu’est l’acteur, l’appétit de représenter le Monde, l’Histoire, la Beauté, le RoiC’est un pari fou qui frise une certaine débilité ! Pari possible seulement avec la complicité de gens qui acceptent de mettre en veilleuse leur capacité consciente quelques instants pour se donner à croire au merveilleux, au magique. Il faut être de connivence ! Pour qu’à partir de rien ou d’un moins que rien : l’acteur, un monde se bâtisse ! Qu’une histoire grande ou petite, s’inscrive. Ce fut bien là le mode opératoire de William Shakespeare et du théâtre du Globe…Les frères Fauvel reprennent à leur compte le pari et font la joyeuse démonstration que le pari est loin d’être épuisé. Ce n’est pas tant, disent-ils, le texte qui serait encore actuel, moderne et inépuisable (d’autres le disent ) que l’ancien jeu du théâtre (ce qui fait que le théâtre n’est pas que littérature et procède avec et malgré le texte d’une autre technique), le jeu Shakespeare

Digression 4
Les frères Fauvel
ne trichent pas avec ce qu’ils sont : acteurs ! Schauenspieler en allemand ( Il y a spieler en allemand pour désigner chez l’acteur d’abord sa qualité de joueur Spieler = joueur…Les comédiens rassemblés par les frères Fauvel mériteraient de s’appeler schauen-spieler, y compris pour le verbe schauen qui veut dire regarder, contempler, examiner. Desdémone et Ophélie ne sont que des produits du jeu de regarder, de la fabrication à vue d’imagesEt de sens ! Jeu d’exploration conduit avec le spectateur, sans préjuger de rien, en se libérant du texte ramené à une fonction de stimuli (autre grief possible). Le sacrifice du texte (incontournable dans cette proposition) permet de débrider un imaginaire : celui des acteurs d’abord, celui des spectateurs ensuite, confronté à celui des acteurs. Tout l’art serait là comme un art divinatoire. Pressentir et traduire notre présence au monde à travers ce jeu de formes et ces conventions-là ; c’est reconnaître au jeu théâtre un pouvoir, une puissance d’exploration qu’il se voit le plus souvent dénié ! Bref, ce théâtre s’investit d’un pouvoir extraordinaire et d’une fonction « phénoménale »…Qu’on ne lui reconnaît que rarement aujourd’hui. Dans le même mouvement, c’est aussi, investir l’acteur d’un pouvoir considérable. Les acteurs cependant, jouent et seulement celaLeurs propositions sont donc dénuées de prétention !

Ce qui est prétentieux c’est le commentaire que l’on en peut faire…C’est-à-dire mes propres propos . Eux, ils jouent et moi je cause. J’en demande pardon pour ce qui par là, se dérobe au bonheur du théâtre.

Si tu texte, ils s’en « tamponnent » (déclaration fracassante !) du simulacre, ils usent et abusent, ils en vomissent, en inondent le plateau, s’en gargarisent jusqu’à l’ivresse. C’est ce qui s’appelle s’envoyer en l’air ! En veux-tu, en voilà ! La Compagnie des furies fait jeu de tout bois ! Fracassant ! Furioso ! Tout y passeMême le déchet. Aucune censure ni retenue. C’est aussi cela qui permet autorise le partage du jeu avec le public ! Il n’y a pas eu de pré formatage pour instituer un nouveau système de valeur ! Les frères Fauvel s’en tiennent au jeu, à tout le jeu et rien qu’au jeu. Ils n’ont rien à prouver, ils naviguent au gré du vent dans le vaste océan Shakespeare . Du rire aux larmes…l’avis de tempête, ne les a pas dissuadé de prendre le large.

Au commerce des sens, la larme
vaut son pesant de caramel mou

L’hypothèque du texte levée; le jeu-travail proposé peut explorer tout ce qui relève du voir, de la vision, du voyeurismedu regard ! Et là où il y a des yeuxLes larmes ne sont pas loin.

Les larmes, les souffrances sont ressort inépuisable du dramatique. Et du grotesque ! La douleur burine la face, la déforme grossièrement. C’est une charcuterie sans charcutier. Le chère visage se décomposeDésordre ! le visage est un paysage, un champ de bataille !

Pas loin d’avoir l’arme à l’œil. Rasoir ou couteau. « J’ai pris un couteau dont la lame était acérée », non ! ce couteau n’est quune réminiscence des Chants de Maldoror, version Mathias Langhoff, rôdant encore sur le plateau du trente-deux de la rue des cordes.

Ce n’est pas à la gorge que se porte le couteau mais en travers de l’œil !

Le théâtre des furies s’attaque à l’œilCe qui se voit à vue d’œil ou ce que l’on croit voir…Car l’œil se configure à une idéologie…Il est un organe servile de l’homme ou de l’idée que l’on se fait de l’homme. Ainsi, on ne peut pas se voiren peinture, dit-on ? Bel aveu. Mais arrivez-t-on à se voir en voir en théâtre ? Que sait-on de cette possibilité là ? Nos contemporains n’en savent pas grand chose, semble-t-il…Ils se regardent ailleurs. Croient pouvoir se voir ailleurs ! En dépit de ce que se voir et voir le monde…Prendre la mesure du regardserait le contrat propre au théâtre. Les frères Fauvel ne s’intéressent qu’à se contrat-là. Ils mettent le regard sous conditions. Par quelle procédure arrive-t-on à voir ? Qu’est-ce que c’est ? Comment s’en inquiéter et interroger ce que l’on croit être un ordre naturel des choses. Comment couper court à ce qu’on voit ? Comment voir autre chose que ce que l’on voit en sachant que c’est la même chose ? Voir de travers, en biais, en long et en largeÀ travers quels filtres ! Voir et discerner pour asseoir un discernement. Une clairvoyance. Y voir plus clair.

Digression 5
Cela fait un bail qu’on le sait,
mais nous avons avec Stéphane Babi Aubert, un grand de la lumière à Caen. Sa Desdémone nous confirme toute l’étendue de son talent. La surprise vient donc de Thalie Guibout qui fait avec Ophélie son entrée dans la courre des grands. Belle continuité dans la conduite du clair/obscur de l’une à l’autre pièce. Et certainement, le travail rigoureux et soigné des artistes techniciens maison (CDN) n’est pas étranger à la réussite plastique et audio-visuelle de l’entreprise. Car il ne faut pas s’y tromper, si le jeu fait ici bonheur du jeu, c’est aussi par un travail d’équipe de tous les instants. Belle élégance de la part de l’équipe technique, à soutenir le propos, sobrement et efficacement.

Ceci dit : peut-on voir le monde autrement qu’à travers des larmes ? Non, pas vraiment…Alors, à moi la bouteilles, broc, carafe, verres…À moi la bassine ! Pleine d’eau de larmes !

Je veux une bassine de larmes toujours à porter d’yeux ! Je veux, je veux ma dose de compassion, d’indignation, de bruits et de fureurs ! Mon bain de larmes quotidien. Wouais !

Digression 6
Wouais, pour l’émotionnel au quotidien, y’a bien la téléMais la télé, c’est sec, ça pleure pas…Moi comme tout le monde, j’ai l’émoi humide. Le drame humain me liquéfie,M’attendrit, c’est cela ! .Avec la télé, pas moyen de s’attendrirAu contraire, avec elle, on s’endurcit. On se sent tellement impuissant, pas possible d’intervenir ! la télé c’est une fatalité…ça déroule son fleuve d’images inexorablement ! ça rend le malheur, indifférent ! ça broie sans cesse du noir…C’est mieux quand on l’éteint. Ça soulage.Le théâtre a le bénéfice de la rareté. Et le bénéfice de rassembler une foule. Mais on pleure de moins en moins au spectacle car on est « vacciné »…On a un Président (Shakespearien !) qui « surfe » sur l’émotionnel et le compassionnel…Un vrai professionnel de l’indignation calculée. Concurrence déloyale.

Alors les larmes ? De vraies larmes ? ça peut s’acheter où ? Du drame humain garanti grand teint…Où peut–on s’en faire livré comment ? À l’enseigne du commerce des sens, on se rend au théâtre !

Larmes, mon doux souci. Activité compassionnelle. « Ô Satan (théâtre) prends pitié de ma longue misère. »

Attends, tu veux des larmes ? Attends, c’est bien ça, tu veux des larmes et du sang ? Oui ou merde ! Ah pardon, tu veux des larmes du sang et de la merde ? Oui, putain! Ah pardon tu veux des larmes du sang de la merde et une putain! Ah mais toi, tu ne te torches pas avec le dos de la cuillère! Ah pardon maintenant, il te faut un torchon, une putain, le dos d’une cuillère, de la merde, des larmes, du sangEt puis quoi encore ? Tu n’as rien demandé ?

Pardon tu rigoles ? Parce qu’en plus, tu rigoles ? Va te faire foutreMerde à la fin ! Non attends c’est mieux en anglais ! je te le dis : fuck you ! Putain ! Putain de ta merde ! Espèce de Roi ! Roi dUbu, d’abus, t’as bu ! Pauvre type ! Pour qui tu te prends ! King, et ton sceptre ? Un spectre ton sceptre ? non un machin, une chose, un truc. Rien. Si peu. Roi ? bout de roi, bout de ficelle ! bout de couronne ? L’habit qui ne fait pas le roi, fait le moine ? N’importe. Rien.

Roi d’accord, mais d’un royaume intermédiaire


Aux enfants, on raconte des histoires que l’on dit fantastiques. En réalité c’est l’adulte, le conteur, qui trouve l’histoire « fantastique », pas vraie, irréelle. L’enfant lui n’a pas l’incrédulité de l’adulte. Il se sert de l’histoire qu’il assimile à la réalité ! Il va même se construire avec ! se structurer et structurer sa pensée et sa vision du mondeAvec les matériaux les plus fous, monstres et chimères il se construit sans se rater ! Cela n’empêche pas les adultes responsables de penser que ce sont leurs principes éducatifs (assorti d écoles adéquates) qui construisent et façonnent leur progéniture. Bien sûr ils concourent, bien sûr ils collaborent utilement mais le véritable maître d’œuvre et le dernier reste à l’enfant !

L’enfant, le petit enfant ,il va son bonhomme de cheminLe principal carburant qui règle sa conduite c’est l’amour qu’on lui donne, pour le reste, il en fait son affaire. Enfin ça ne dure qu’un temps, un jour il est grand et le jeu, l’esprit du jeu deviennent impropre à sa grandeur. Il reste a un reliquatUn goût, un appétit, une curiosité dont il se servira pour aimer à son tour..Pour essayer que l’amour soit une histoire fantastique, une histoire de roi et de princesse ! BastaLe voilà en quête d’incrédulité ! d’innocence perdue ! Le théâtre peut être l’héritage possible de ce royaume de l’enfance oublié, perduEt l’art d’une manière générale peut prendre la relève du jeu. Freud le pensait qui disait que « l’art forme un royaume intermédiaire entre une réalité qui ne répond pas à nos souhaits et une vie imaginative qui les accomplit ».

« Shakesspeare de fracas et furie » nous offre donc un tel royaume intermédiaire à investir et explorer. Un rêve d’amour fou. Retour sur soi, en enfant-roi. I am the King.

Hamlet : l’infant, ou l’informe , ou l’inachevé , ou l’indéterminé ouun mode de penser, impensé. Quel ? Peut-être s’agirait-il de ce que J-B. Pontalis qualifie de pensée rêvante. Il dit : « La pensée rêvante que j’appelle de mes vœux puiserait dans le rêve la force d’être irréfléchie, inconvenante, de s’avancer à ses risques et périls, comme un somnambule. » J-B. Pontalis s’interroge : qui en est capable ? se demande-t-il.

Il s’y essaie mais il s’avoue toujours rattrapé par « la pensée discursive, argumentée, arrimée au savoir, qui ne peut que se justifier et ne consent pas à se contredire ». la pensée rêvante serait-elle donc introuvable comme seulement soupçonnée ?

Soupçonnons qu’il pourrait s’agir d’un état prénatal de la pensée. Une pensée qui cherche à sortir des limbes…Celle-là même qui agite Hamlet ? …À ses risques et périls. Entre furie et fracas. Venir ou ne pas venir au monde débouche sur quoi ?

Venir au monde à mourir ! seulement de cela nous ne saurions douter. Sollers développe admirablement cette idée dans « Femmes ».

Persona non grata
l’acteur reste
un suppôt de satan

Persona ! Parlons du Persona…Le persona n’est pas la personne. Il n’est pas le personnage non plus. Il est une phase intermédiaire entre la personne et le personnage. Une image, un masque qui colle à la peau de chacun et dont on ne peut se départir. D’où, l’exigence sans cesse renouvelée, d’être aimé pour soi-même ! Aspiration absolue qui méconnaît le persona, voudrait en faire l’économie. Mais est-ce bien possible ? Parlons-en, parlons de l’amour des uns pour les autres. D’amour. De désir d’amour. Risquons de dire que l’amour est impossible. Donc serait seulement possible, la quête. Die Whäre Liebe. L’amour véritable ? Une tentation, jamais possible. Le désir de la personne se manque toujours. Car,le désir n’est jamais nu, toujours du phantasme l’accompagne, toujours du persona s’interpose. Donc l’autrela cible- l’objet du désir n’est jamais atteint en sa personne…Il y a toujours un mouchoir, un petit bout de chiffon, un petit morceau de papier, un petit rien qui déplace, dévie la flèched’Éros ! Quel énergumène !

Si la personne est hors d’atteinte, c’est qu’il n’est pas de personne sans persona. Le persona serait donc cette fine pellicule de soi (de soie) qui nous colle à la peau, qui nous ressemble, un décalque non décollé de son modèle, un sosie trait pour trait qui m’accompagne, qui me respire, qui m’agit autoportrait ambulant. Bref mon persona serait ce « personnage » que je ne cesse d’être pour autrui et pour moi-même et qui existe sans exister. Je suis porteur d’une réalité assise le cul entre deux chaises et je dois me démerder avec ça.

Le persona serait donc l’acteur viscéral et organique que je suis, que je fasse du théâtre ou pas. Acteur-né, pour lequel le ventre maternel fut mon antre en scène. Naissance : j’entre en scène et j’en sors! bienvenu au monde ! S’il en fut un qui n’en douta pas de cette entrée/sortie là , ce fut l’ami William Shakespeare. Folie ! Nous sommes bien d’accord ce fut folie que l’homme vint au monde : il y était persona non grata. Contradiction.

On se voudrait innocent de cette folie. On n’a rien demandé. Le monde est un théâtre et nous sommes des acteurs fait de l’étoffe des songes.. Presque du Shakespeare dans le texte. En tout cas, les Fauvel ont choisi de naître dans la caverne du théâtre du globe. Entre phantasme et réalité, ils n’en sortent pas. Ils ne font que cela : entrer /sortir dans un même mouvement. Tout se délite et tout se tient.. Lérection et lécroulement ravageur des images atteint des sommets. Jeu de massacre.

C’est fou comme les acteurs aspirent au pire, à s’investir du pire : trouver un salaud ou une salope de la pire espèce et livrer le/la en pâture aux acteurs/trices ! Ah les charognesça se précipite toute gueule dehors ! Taïot ! Taîot ! L’acteur baffre, se repaît, se goinfre de tout le mal possible ! Se roule dans la fange, dans l’horreur avec délectation. Quelle passion dans le mal ! Quelle gourmandise dans la turpitude ! Comme la morale se conchieBacchanales ! Stupre et crimes : roulez manège !

C’est pourquoi l’acteur à son ordinaire heurte le sens commun et finit toujours par trouver sa place au pilori, avec à sa droite une sorcière et à sa gauche le mauvais larron et lui homme et/ou femme indéterminés Hamlet encore.

Le théâtre, l’acteur, le persona (la personne /acteur. Pas d’existence de soi sans image de soi) sont mal vus de ceux qui professe l’amour du prochain. Ils ont des théories de l’innocence organisées en textes sacrés et foi religieuse. Alors évidemment le théâtre exerce un attrait malsain car il joue sur l’équivoque de cette satanée image chevillée au corps (le persona) qui capte la crédulité et génère un credo qui n’a pour horizon que le vide et le néant et dans le meilleur des cas le désamour du prochain. Dieu ne peut y reconnaître les siens. L’acteur est une icône païenne et avec les frères Fauvel nous est offerte, deux heures de travaux pratiques. Ah les infâmes !

À partir de rien
L’homme advient

Donc on part de rien. D’un rien qui frise la dérision d’exister. Presque rien. Rien de plus impalpable et dérisoire que le souffle qui m’habite…Du vent !

Je suis venu au monde : baudruche gonflée d’air…Rien de plus que cela…Combien fragile. Naissance de l’enfant . Arrivée d’un ballon gonflable ! Ça pète pour un rien, un bébé. Un ballon. Simulacre pertinent. Éloquent. Pas besoin de discours. Nous sommes un sac gonflé d’air. Réduit à cette grandeur- ! Gonflé le mec ! Trou d’air, tas d’air agglutiné dans des boyaux voilà toute notre grandeur que de se voir réduit à cela.

Imbu de soi ou de l’air que l’on respire. Grenouille ou bœuf. Pathétique, ridicule et sublime. Dérisoire présence au monde ! excusez-moi, je ne fais que passer ! Voilà , ne cherchez pas midi à 14h , la vérité serait juste dans cet attrape nigaud d’une image/corps/objet dérisoire et ridicule à qui vous donneriez les attributs de la royauté, autrement dit de la grandeur ! Cela donc ne dépend que de vousComme étrangement les parties les moins nobles du corps (qualifiées de parties basses. le sexe quoi !) peuvent dans l’amour, être élevées au pinacle, encensées, adorées sous l’effet d’éros triomphant. Cette activité qui ne regarderait personne,.serait cependant, sensiblement la même pour tout le monde, à l’insu de tous !

On fait donc mystère d’un secret de polichinelle. De quoi rire ! Chacun sait d’où il vientD’une scène. D’un théâtre d’ombre. On en vient et y revient ! Beckett en a fait une pièce admirable « va et Vient » variation sur les sorcières de Macbeth. Avec Fracas et furies retour sur nos origines. Retour sur un spectacle d’avant la naissance. Juste avant. Avant le commencement et encore avant. Nuit des temps.

L’acteur

Les acteurs sont magnifiques : elles et lui ! (lui : stéphane Fauvel). David Fauvel, quant à lui, ne fait qu’une brève « apparition ».

Dans ce théâtre magique d’apparition/disparition, ce n’est pas rien ? mais, évidemment de leur côté, Stéphane Fauvel, Fabienne Guérif, Sandra Devaux montrent une créativité, une invention et intelligence de jeu, une sensibilité, à vous couper le souffle.

Il et elles, sont terriblement beaux et bouleversants. Pour eux, rien n’est jamais acquis…Ils sont en conquête permanente, en « risques et périls » permanents, dans un jeu funambulique et somnanbulique qui aurait séduit Jean Genêt. Acrobate du signe, porteur et porte-faix de toutes images et défroques, ils s’habillent de splendeurs arrachées au néant, à la boue. Ils font briller le tout-faux de mille éclats du vrai.

Magnifiques sont les actrices. Magnifiques et superbes. Jamais porteuses d’émotions convenues et confortablement octroyées. Elles vous attendent au virage, se parent d’extravagances et d’oripeaux pour s’afficher en tenue de gala.

La nudité « suggérée » leur va comme un gant…La pudeur travaille à configurer élégance et panache. Prêtresses d’un culte qui invente le sacréCe sont de sacrés nanas que ces deux comédiennes ! Et lui, Stéphane Fauvel est un foutu monstre ! Il excède tout qualificatif : « génial » me souffle ma voisine (lycéenne de son état).

Digression 7
Stephane Fauvel a longtemps opéré à lAstrakan de Médéric Legros. Le théâtre de l’Astrakan et Médéric, ont disparu de nos horizons théâtraux. Mais pas de nos mémoires ! Finalement, à travers ce Shakespeare qui ne doit rien à lAstrakan, on se surprend et se sent saisi d’un brin de nostalgie. Pardonnez-moi, il y eut un temps où lAstrakan me servait d’oxygène, m’aider à respirer. Une histoire de souffle, de respiration court de lAstrakan d’hier aux « Furies » d’aujourd’hui. Comment rester fidèle à soi-même. Se tenir en vie. Que la vue et la lucidité ne baisse pas. Tenir son pas.

Stéphane Fauvel est un acteur « valèrenovarinien » ! Notre Louis De Funès ! Notre « lettre aux acteurs » en chair et en os. Quel homme ! Quelle femme ! Un Tirésias, une Cassandre…Un acteur-né, fou à poings liés, acteur en personne, en toute majesté.

La scène le transcende. Le réduit en cendres, le met en ébullition, en transes!

Transes et cendres pour une majestueuse transfiguration. Acteur/Roi, voilà le cadeau, le trésor, le don de Stéphane Fauvel ! Et d’ailleurs il s’en fout ! Applaudit-on l’air qu’on respire ? Il est comme ça. C’est à prendre ou à laisser. Comme les deux déesses qui l’accompagnent, il se contrecarre des lauriers et compliments de bas étages. Ensemble, ils ne font qu’aimer faire ce qu’ils font et en tirer une gloire quelconque, n’est pas de leur souci. Je sais. Ils n’ont du paraître que l’appât du jeuEt non du gain. Pour le gain, ils se paient du plaisir qu’ils prennent au jeu et accessoirement du plaisir qu’on peut prendre à les voir jouer.

Ne confondons-donc pas l’accessoire et l’essentiel. Aucun tape à l’œil n’est ici, convoqué. C’est un théâtre qui fait de l’effet, sans effets. Sans effets de manche. Sans effets de performance. Un malveillant pourrait dire le contraire : il n’y a que des effets qui sur moi ne font aucun effet. Le songe est creux ; ça sonne vide. Wouais. Le risque existe.


Digression
8
«
L’acteur qui joue vraiment, qui joue à fond, qui se joue du fondet il n’y a que ça qui vaut la peine au théâtre- porte sur son visage, son visage défait (comme dans les trois moments : jouir, déféquer, mourir), son masque mortuaire, blanc, défait, videvide partie du corps et non plus recto expressif d’la tête posée su’l’corps potiche- il montre, blanc, son visage, portant son mort, défiguré. L’acteur sait bien que ça lui modifie réellement son corps, que ça le tue à chaque fois. Et l’histoire du théâtre, si on voulait bien enfin l’écrire du point de vue de l’acteur, ça ne serait pas l’histoire d’un art,d’un spectacle,mais l’histoire d’une longue sourde, entêtée, recommençante, pas aboutie, protestation contre le corps humain. » Voilà ce qu’écrit Valère Novarina dans son Théâtre des paroles. Propos qui éclairent singulièrement le jeu, l’art de Stéphane Fauvel et de ses partenaires. Il s’agit d’une proposition de théâtre orchestrée par David Fauvel, lui-même acteur, proposition d’un théâtre d’acteurs conforme au souhait de Valère Novarina avec débauche de masques blancs mortuaires…réversible en masque noir tout aussi mortuaire. La mort configure la scène comme cimetière…Genêt encore !

Présence. Les acteurs ne sont pas captifs d’une représentation. Ils ont parfaitement le droit d’être présent. Ëtre ce qu’ils sont, constitue une des références de leur jeu, à partir de quoi, ils produisent des écarts de conduite. Ils montrent autant qu’ils se prennent pour. Ils jouent d’eux-mêmes, sur eux-mêmes. Ils n’ont pas à s’oublier ou s’absenter, à s’effacer derrière, à occulter leur présence, ni à dissimuler leurs activités. L’activité ,répétons le,c’est un jeu.

Digression 9
Ils ne respectent rien.
Rien de l’ordre culturel établi. Ils ne sont pas savant et ne prétendent pas l’être. Pas savant de savoir mais instruits du jeu. Comme les enfants qui s’éduquent en jouant et font la nique à l’éducation que l’on prétend leur donner. Hélas ça se gâte en vieillissantLes idées généreuses de notre chère Françoise Dolto sont loin, très loin d’être devenues la référence éducative si compatible avec l’amour dont on prétend pourvoir nos enfants. Hélas, de quel amour accablant sont-ils encore trop souvent l’objet. Enfant-roi ? C’est tout juste une bon vecteur de vente bien efficace via les agences de publicité. Le parti pris de l’enfance, de l’amour et de la connaissance offre dans cette Furie-Shakespeare une synthèse brutale et barbare dont la violence dissuaderait d’y conduire nos enfants…Et pourtant, on s’interroge d’un comment, ils (les enfants) en percevraient le sens et l’histoire. Mais le lien Mort et enfance reste tabou…Sauf, quand cela dégouline, sans vergogne, du petit écran. Alors on fait comme si…Comme si l’enfant était « abstrait » du monde…Une pure abstraction. Tartufferie.

Irrecevable/improbable/inimaginable


Iconoclastes,
insolents, désinvoltes. Tout est permis à l’acteur. Acteur : c’est l’alibi. C’est pour de rire ! l’acteur tue , se tue, massacre, assassine, se paie toutes les turpitudes possibles et « inimaginables » ! Inimaginables…Voilà bien l’enjeu : défier l’imagination. Rendre vraisemblable, l’invraisemblable et donc pensable, l’impensable ! Paul Valéry avait raison que d’estimer la philosophie seulement opératoire dans ses balbutiements : « Toute philosophie ne vaut que par son état naissant et devient ridicule si on essaie de la rendre complète et mûre ». Donc la philosophie se déploie ailleurs que dans son enclos. Peut-être là

Dans ce Shakespeare là, si improbable que cela puisse paraître.

renversant


Pour l’acteur s’opère un renversement des valeurs. Il brocarde tout ce quidans la vie- se donne pour sérieux, réel, vraisemblable, vrai. Pouvoir, amour et compagnie deviennent des foutaises…Nos vies si justifiées touchent à l’injustifiable : vies ..de cadavres, de déjà morts, de jamais nés. Entre la vie et la mort le lien est ténu et étroit et le théâtre resserre ce lien jusqu’à la rupture. Le théâtre nous offre à mourir dans l’enchantement ! quelle excellente chose que s’abstenir de vivreLes acteurs consentent à ce sacrifice…Enfin y consentent plus ou moins. Sur cet assentiment pourrait reposer des mises à l’épreuve difficiles si l’on accordait le droit de faire l’acteur sur une telle base. Pardon, acteur ? Vous voulez être acteur ? Wahou!

Digression 10
Ce sentiment d’exigence extrême, nous avons connu à Caen une équipe de théâtre qui l’aura porté au zénith 10 ans durant , dans les années 80, du côté d’Hérouville Saint Clair. C’était le Théâtre d’Ostrelande de magnifique mémoire. Il y avait chez les acteurs d’Ostrelande une brûlure, un feu qui conférait à leur tentative, la marque du sacré. Ainsi parfois la mémoire du théâtre peut passer loin des théâtres établis. Loin de lordonnance culturelle. Peut-être même que les formes à naître, naissent toujours ailleurs que dans le creuset de l’institution. L’art se fait hors cadre. Que ce « fracas » se passe au CDN ne me trouble pas outre mesure. La contradiction travaille et le CDN peut en être un bon endroit. Ne voit-on pas, en Avignon , plus de subversion, d’audace et de risques pris dans le IN plutôt que dans le OFF…C’est un fait peut réfutable. C’est l’intelligence et le mérite de l’institution que de mettre en danger son existence propre pour défendre l’art. À moins que cela soit l’intelligence et le courage de son directeur ? qui peut répondre à cela ?


Grundsprache


Le Grundsprache existe en allemand mais est méconnu en français : c’est le parler souterrain. Ostrelande dont j’ai parlé en digression user du Grundsprache et soumettait les textes à un itinéraire souterrain. La vois s’envolant le lieu de la Grundsprache c’est le corpstout le corps- et surtout les parties basses ainsi honorées de la visite vocale. Parler du ventre, sortir la voix des boyauxC’est bien autre chose que jouer avec ses tripes même si la Grundsprache provoque des frissons. Donc, les acteurs du Shakespeare nous en donnent et travaillent la voix dans le terreau du corps. « Hamlet » sera donc d’abord une déjection vocale. (Stéphane Fauvel) Produit d’un accouchement sonore. Accouchement par la bouche d’un corps nouveau-né ! d’une bouillie de sons désarticulés va sortir le bien nommé. Hamlet. Entrée fracassante dans le monde turbulent des paroles. Un « nom du père » perdu ou père du, se met en circulation. Hamlet le portera de bouche en bouche, de bouche à bouche. L’homme donne la vie dans le souffle de l’énoncé de son nom. Non seulement la voix prend corps mais configure un territoire, s’approprie l’espace. Magnifique travail, très finement réglé, de la voix/micro de Sandra Devaux jouant Hamlet. Voix microcosmique. Bien pourvue de « basses », la tessiture vocale « parle », nomme un corps étranger présent au corps réel. Une étrange alchimie fait chant choralEt Hamlet se déploie comme figure temporelle intemporelle. Emprise du corps sur l’espace par le médium vocal. Sandra signe son Hamlet.

Figures


Pas de personnage. Pas de profondeur et pesanteur psychologiques des personnages.Serait-il possible de jouer Tchekhov comme ça. Je le crois. C’est donc la figure qui dans ce théâtre fait loi ou dirons-nous fait signe. La figure comme une pièce de jeu d’échec, ou comme une carte, obéit à des déterminations qui lui sont propres, possède des attributs précis, des signes distinctifs et par conséquent l’acteur s’investit ou pas, au gré des circonstances de telle ou telle figure. Il n’est qu’un locataire très provisoire du rôle ou du personnage qui n’est qu’un attribut parmi d’autre.

La figure permet une grande souplesse d’investissement pour l’acteur. Favorise le cache-cache et un jeu subtil de substitution, voire conduire, par brouillage des cartes, à des confusions : prendre Hamlet pour Ophélie par exemple, puisque l’un et l’autre se suicide. Interchangeabilité qui révèle combien « être soi » ne tient qu’à peu de chose ! Nous ne sommes pas grand chose en soi, si roi soit-on, tontaine et tonton !

Digression 11
Jean Lambert-Wild
accueille ce Shakespeare dans ses murs. Entre ce spectacle et son cheminement poétique personnel, on se demande ce qui peut faire lien. À coup sûr il y en a car Jean Lambert-Wild, sait-on laisser dire, cultive une certaine passion pour la magie.

On a pu récemment lire ceci : « La scène est une patrie imaginaire de substitution », il aurait pu l’écrire. Et puis les acteurs de « Furie » mâchent et remâchent des chimères. Ils se produisent dans un théâtre de demain qui serait déjà là…Qui aurait toujours était là. Bref, un jeu subtile de substitution serait en cours.

L’équipe se distribue les figures aussi simplement qu’un enfant peut conventionner de la fiction par le sésame d’un « on dirait que.. ». Il suffit de l’avoir dit pour que. Ainsi le jeu peut se déployer sans état d’âme. Avec la figure on fait l’économie de tout un fatras psycho que Diderot pointait déjà dans son paradoxe. Bref, l’acteur exécute froidement sa partition sans pataquès ! Il s’investit autrement…On l’aura compris, on n’est plus près de Meyerhold que de Stanislavski. Au final, l’esprit libéré donne des ailes à l’imaginaire et à tout ce qui peut vous passer par la tête, voir qui vous traverse fortuitement. L’inattendu sera comme un bijou du jeu. Le « Witz » s’invite au banquet. Sauce piquante. Il importe d’avoir de l’esprit, de la présence d’esprit tant pour faire le jeu que pour le lire. Cela réclame de l’éveil du côté des sens et de mettre en sommeil sa majesté la conscience. Le meilleur de l’esprit vient en dormant.



Simulation/Simulacre/Représentation

Nous l’avons dit le simulacre nous paraît le postulat de base de ce travail. En général, la représentation n’est possible que par accord tacite que les signes présentés équivalent à une réalité. Pour que la représentation soit possibleIl ne doit pas y avoir de doute sur ce jeu de l’équivalence. Il y a un accord implicite qui fonctionne comme règle qui permet un déroulé conventionnel de la représentation. Or ce que d’emblée David Fauvel et ses complices mettent à mal c’est ce principe de base qui permet la représentation, il choisit de rendre aléatoire la représentation des choses…Il expose sans vergogne l’imposture et les procédés de dissimulation. Bref, l’acteur se montre sous son mauvais jour, c’est un menteur, un simulateur.Je laisse au grand Jean Baudrillard la suite de l’explication que j’emprunte à son ouvrage Simulacres et simulation. Que dit-il qui rend limpide la cérémonie où nous convie les Frères Fauvel ?

Digression 12
On peut donc être fondé
-c’est mon cas- à considérer tout représentation comme imposture ! J’avoue que, de ce fait, mes propres activités de création se sont heurtées depuis toujours à la sourdes hostilités de mes contemporains. J’ai personnellement toujours remis en cause la notion même de représentation dans mes travaux pratiques. Toujours manifesté mon hostilité à un théâtre naturaliste, réaliste-socialiste, néo-naturaliste…Si Brecht échappait à mes yeux, de ma part, à cette ire, c’est que son effet V et sa volonté de distanciation me donnait l’assuranceà minima- d’une critique, mise en forme théâtralement, de la représentation. Il y doncme semble-t-il- un affrontement qui n’est pas né d’hier entre deux conceptions du théâtre, l’une conservatrice qui repose sur des conventions que l’on est prié d’accepter sans broncher ( conception sur laquelle repose largement le théâtre privé et une grande partie du théâtre public) l’autre « révolutionnaire » qui met en crise ces mêmes conventions (Du living theater d’hier à Howard Barker aujourd’hui, en passantpêle-mêle-par le Radeau de Tanguy, le bateau ivre de Rimbaud, Carmelo Bene, Castelucci, Bono, Fabre, Garcia J’en oublie et des meilleurs). Bref, le Président Sarkozy qui ne comprend pas la différence entre théâtre privé et théâtre public a du mouron à se faireCar différence, il y a mais pas tant où l’on croit, qu’entre courants artistiques antagoniques qui a fleurets mouchetés se livrent un combatà mort !

Digression 12
Mort au nombre desquels on peut désormais me compter,
le comité d’experts de Basse-Normandie après ma « Jusémina » produite en 2003, ayant éconduit mes propositions de travail. L’affaire est depuis longtemps entendu Pour ce qui est de l’artiste qui refuse de jouer le jeu de la représentation pure et dure ( dont j’étais) il est facile de le stigmatiser…On le dira « raté » puisqu’il ne va pas au bout. Le bout serait que la représentation soit « achevée », qu’elle repose sur un savoir faire où l’acteur doit bien faire son métier, que rien ne dépasse ! Que la tromperie soit impeccablement conduite ! que chacun en ait pour son argentLe public, les tutelles, les institutions ! Désolé, je connais la musique !

Désolé…Le combat (sur le fond) continue…Je ne suis qu’un cadavre braillard…Qui ne creuse que sa propre tombe, mais je ne la fermerais pas ! Comme j’aime le rire de Sandra Devaux dans Shakespeare/Fracas !

Il dit ceci : D’abord que la représentation pose le principe d’équivalence du signe et du réel. La représentation ne se justifie que par référence à un réel, lequel du coup, va de soi !

Que si on remplace la représentation par une simulation avouée, on s’inscrità l’inverse- dans une mise en abîme du signe qui perd toute valeur de référence. Le signe devient signe de mort assassin de toute réalité qui devient de fait pseudo réalité !

La simulation (reconnue ici comme parti pris des Frères Fauvel) provoque d’emblée, doute et inquiétude sur la réalité du réel ! Peut–on prendre ce que l’on voit pour argent comptant ?

Cette question vaut pour la réalité dans laquelle j’inscris ma vie (mon tous les jours) comme pour le spectacle auquel j’assiste. Baudrillard dira « la simulation enveloppe tout l’édifice de la représentation comme simulacre, à l’opposé la « dissimulation » des moyens du jeu institue la représentation comme réelle et garante d’une réalité indiscutable.

Il est bien clair que ceux qui se satisfont de la réalité telle qu’elle se présente à leurs yeux, qui ne veulent pas la remettre en question d’aucune manière, pas plus que se remettre en question l’image qu’ils se font d’eux-mêmes, ne devraient pas tirer grandes satisfactions des facéties des frères Fauvel ! C’est une affaire entendue.

Quant aux autres, qu’un léger ou profond doute habite, il voudront bien profiter des vertus du théâtre qui aurait pour but (suivant son étymologie) d’être le lieu du voir. Où le voir s’apprend et s’interroge ; en même temps qu’on nous donne à voir.

Alors l’image dans le simulacre que devient-elle ? Baudrillard lui reconnaît quatre statuts possibles : elle est reflet d’une réalité profonde, masque et dénature une réalité profonde, elle « masque » l’absence de réalité, elle n’est qu’à elle-même redevable d’une réalité.


Simulation/Stimulation


« Shakespeare de fracas et furies » explore tous les statuts de l’image et au bout du compte c’est une économie de la simulation qui triomphe. Le mensonge ou le faux, sont les données constantes par lesquelles adviennent une vérité ou du vrai possible.

Othello, Hamlet ne répondent plus d’une réalité historique dont David Fauvel reconnaît qu’elle lui importe peu : soit qu’il n’en ait pas connaissance, soit que trop de doutes et de questions, d’exégèses et commentaires, aient rendu caduque la référence historique. Expulsion de la référence à l’histoire ( la grande comme la petite).

Si l’exploration/jeu ne renvoie pas à un savoir enfoui, une vérité perdue, un trésor caché de l’histoire de l’humanitéAprès quoi court-elle ? et qu’est-ce qui s’accomplit assez gratuitement dans cette mascarade ?

Passons sur le scepticisme teinté de nihilisme qui sanctionne l’absence d’un dieu quelconque et pas même de la science pour y surseoir. (passons, mais apprécions le quand même !)

La où toute vérité se dérobe…La croyance devient flottante et donc se réinscrivent et réactivent des mœurs et pratiques du lointain ( de l’enfance).

Exorcisme, peur, panique, retrouvent leur empire. Du sacré au maléfice, en passant par le sortilège une « messe » noire se célèbre ! et je laisse à Baudrillard le soin de conclure : « Surenchère des mythes d’origine et des signes de réalité. Surenchères de vérité, d’objectivité et d’authenticité secondes » (secondes soulignée par nous, pour aiguiser le paradoxe comment une surenchère de vérité peut-elle s’inscrire en second rideau ? au lointain, avons–nous répondu). Mais laissons Baudrillard terminer : « Escalade du vrai, du vécu, résurrection du figuratif là où l’objet et la substance ont disparu. » Ainsi le Shakespeare des frères Fauvel à travers une pure fiction détachée de son référent Shakespeare, à travers tous artifices possibles (y compris l’hyper réalisme d’une poupée gonflable) nous donne à vivre (si l’on y consent) notre réalité dégagée de toute emprise idéologique. Notre réalité de « spectateur » et d’acteur d’une histoire à visiter comme théâtre d’ombres (Platon ?).

Le spectacle nous renvoie à l’indicible de notre présence au monde.Travaux pratiques sur le principe d’incertitude. Comme dit le proverbe chinois : ce n’est pas la vérité qui compte mais la voie que chacun choisit et emprunte pour sa quête. Shakespeare/Fauvel and Co balise un chemin et invite chacun à un parcours vers sa vérité personnelle et historique. Simplement, ils nous y invitent sans nous forcer la main. Parce que chacun n’a d’accès possible à son histoire que par une tentative d’élucidation personnelle et singulière. Rendre une parole possible, offrir termes et cadre de symbolisation, voilà l’étonnante proposition des frères Fauvel, en toute innocence. Aux innocents les mains pleines… Servez-vous.

Femmes et continent noir


Noir serait le paradigme d
Othello. De fait on y voit le noir, décliné de toutes façons. De la noirceur (toute morale) d’un Yago à ce noir (soupçon du sexe, du trou, du trou du cul) en passant par peau et masque noirs ou blanc de l’acteur, d’OthelloEt enfin de Desdémone dont le noir dessein fut de se donner pour femme au Maure (au Mort ?). Avec Desdémone et Ophélie la femme devient l’option de recherche, le vecteur du mystère féminin est retenu comme fil conducteur du spectacle. La femme que Freud tenait pour un continent noir…va, ici, s’interroger y compris pour ne pas dire surtout, dans la figure de l’acteur (se souvenir à bon escient que la scène élisabéthaine était interdite aux femmes et qu’il y eut un certain Gordon Graig pour regretter qu’un jour la femme ait pu y paraître. Ce dernier arguant justement, de l’impératif du simulacre qui voyait l’acteur masculin (jeune de préférence) sommé de jouer une femme. Graig se voyait donc par la présence d’actrice, privé d’un plaisir dont…N’insistons pas. Il reste néanmoins vrai qu’un acteur ne peut qu’aspirer à s’incarner en femme. Tentation qui n’est pas la moindre des choses ! Bien entendu, une actrice peut renverser, avantageusement, la proposition, mais le mystèrecroit-on- en sera moins palpable.

Digression 13
J’ai la douce obligation de revenir au théâtre des Paroles de Valère Novarina et de le citer à nouveau d’abondance. « C’est le corps pas visible, c’est le corps pas nommé qui joue, c’est le corps à organes. C’est le corps féminin. Tous les grands acteurs sont des femmes. Par la conscience aiguë qu’ils ont de leur corps de dedans. Parce qu’ils savent que leur sexe est dedans. Les acteurs sont des corps fortement vaginés, vaginent fort, jouent d’l’utérus ; avec leur vagin, pas leur machin. Ils jouent avec tous leurs trous, avec tous leurs trous, avec tout l’intérieur de leur corps troué. Pas avec leur bout tendu.Ils ne parlent pas du bout des lèvres, toute la parle leur sort du trou du corps. Tous les acteurs savent ça. Et qu’on veut les en empêcher. D’être des femmes et d’vaginer. On veut qu’ils indiquent, montrent une chose après l’autre t dans l’ordre, pas qu’ils se montrent. On veut les réduire à n’être que des télégraphes à émettre et exécuter, à transmettre des signaux avec leur corps d’une tête à l’autre, des phallus à sens, des membres mâles tendus pour désigner, des flèches bien dressées à pointer l’sens, des indicateurs et des exécutants. Dans le sens, dans le bon sens,pour que tout reste dans l’ordre normal ». Ce n’est pas un hasard que corps s’écrit avec un s…Le corps est pluriel, on le sait. Les frères Fauvel ne sont pas des indic’s : ils ne prétendent rien nous apprendre mais nous mettent en veilleuse, en état de veille. En commencement. À naître.

Pour revenir aux femmes et au continent noir. On conviendra sans peine, que la femme longtemps et hélas encore, tenue en lisière, en sujétion (privée d’être sujet) en produit dérivé (poupée gonflable et autre objet support), renvoyée à la tâche exclusive de reproduire l’espèce (en quoi elle n’avait de précieux que son ventre), la femme n’a vu que, dans des temps récents, sa réalité de sujet historique et pensant, identifiée et reconnueMais comme nous sommes dans l’aire des commencements, restent bien des sujets d’interrogation.

Et justement les frères Fauvel en rebaptisant et requalifiant Othello en Desdémone et Hamlet en Ophélie, s’emparent de nouveaux fils conducteurs comme fil d’Ariane/ma sœur, pour fouiller et déballer les trésors cachés de ces œuvres. Pour aussi se ré-approprier les œuvres comme de nouveaux labyrinthes. Changer, si vous voulez l’angle d’attaque et essayer un décentrement. S’en offrir la fantaisie, par goût du jeu, pour l’amour du théâtre autant que des femmes. Il n’y a pas là, une détermination « politique » particulière. Juste un : essayons, pour voir, un laisser aller c’est une valse. Faire valser les préjugés et autres convenances. Aucune provocation ou profession de foi féministe n’est nécessaire. Plus simplement, curiosité et espérance de plaisir ; d’un plus à jouir. On sait l’homme batailleur, jusque et y compris dans l’amour. Du lit, comme champ de bataille (grande préoccupation dHoward Barker, autre héritier du grand Will) Ophélie, Gertrude (mère dHamlet à la cuisse légère) en témoignent.

Massacre, crimes et corrida accompagnent l’embrasement des corps. Avec Ophélie embarquement pour Cythère. En prime visite du Mémorial de Caen. On cherche une île, il paraît que Houellebecq en aurait trouvé une ! (il est né à la Réunion…Comme d’aucun que je ne citerais pas. Réunion, île Bourbon divine et royale où la beauté des femmes excède l’imaginable !). Sandra, Stéphane, Fabienne : mon île.


Branle bas de combat

Ben oui ça branle , ça branle bas, ça copule et fornique…C’est ça aussi le bonheur du simulacre ! Combien indispensable à la représentation d’un meurtre ou d’un rapport sexuel. Quelle misère que le réalisme convoqué pour de telles nécessités ! Avec le simulacre, la sauce tomate et d’abord sauce tomate avant d’être sang , l’eau est de l’eau avant que d’être des larmes. Cela va et vient du dérisoire au fantastique avec au piano le spectateur lui-même. Il monte ou descend l’image à sa convenance.


Digression 14

Pour avoir vu le Hamlet de Thomas Ostermeier en Avignon, j’ai pu m’y régaler comme beaucoup de la scène initiale de l’enterrement du père et de tous les simulacres dont Ostermeier gratifie sa production mais au total l’économie d’une représentation orthodoxe, le respect du code et des conventions théâtrales l’emportent ! Et donc Ostermeier donne au simulacre le statut d’un piment, un supplément d’âme à sa mise en scène par le simulacre ravalé en procédé exotique. C’est là une signature courante du théâtre allemand dont Lavaudant fut et reste en France une brillante variante. Nous eûmes l’occasion de le voir -si ma mémoire ne me trahit pas- au théâtre d’Hérouville-Saint-Clair, avec un Shakespeare inspiré de Carmelo Bene. Ceci pour dire que le travail des Frères Fauvel s’inscrit dans un contexte et dans un paysage où ils avancent sur une économie qui leur est propre mais sur un questionnement largementet c’est tant mieux- partagé. Nous sommes dans la problématique d’un « Hamlet de moins » et du « ceci n’est pas »…Problématique d’en dire et montrer moins et de laisser silence, béance, omission, amputation, absence nous instruire d’un sens nouveau possible. Au je vous en donne plus, succède un je vous en donne moins…En quoi la « surenchère » peut rejoindre son contraire dans une heureuse dialectique.


En matière de désir, ça copule sans vergogne. Notamment, Gertrude et Claudius y vont de leurs galipettes sordides et la frénésie de leur passion semble tout droit sortie d’un film de ChabrolCes deux-là ne pensent qu’à ça…Jusqu’au crime dit passionnel justement. Et le Claudius est d’une veulerie drolatique. Stéphane Fauvel lui prête une fatigue ambiguë où on ne sait si c’est d’impuissance sexuelle ou d’une dépression carabinée dont souffre le joyeux drille. Une sombre fatalité semble poursuivre le Roi falot bien éteint. Féroce et cynique marionnette entre les mains de. Il y a de quoi rire ! Et c’est bien de ce rire dont je voudrais ici

faire état. Car, en permanence, le grotesque et la bouffonnerie peuvent solliciter nos sens. Encore et toujours c’est dans le selon des humeurs.

Et pour y cultiver le contraste, il nous reste à évoquer Bataille, Georges Bataille et la « part maudite » de l’humain qu’il se plût à explorer et exposer mieux que tout autre. Et puisque nous en sommes à évoquer les plaisirs de la chairCe Shakespeare de fracas et furie regorge d’obscénités bien juteuses ! Un régal !

Adonc, je prolongeais mon plaisir de ce soir de janvier 2009, d’une relecture délectable de « l’histoire de l’œil » de Bataille. De Desdémone en Ophélie j’ai fini (ou me suis fini) avec Simone. Oh !


JP Dupuy
23 Jan 2009

PS : Simone est l’héroïne d’histoire de l’œil.

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