Nous avons vu ces dernières années un développement explosif et exponentiel considérable du secteur des structures et compagnies indépendantes des arts et de la culture. Il s’agit le plus souvent de micro entreprises qui se cristallisent autour d’une finalité artistique et qui, à ce titre, prétendent à des traitements individualisés tout en souhaitant se voir reconnaître leur participation à des missions d’intérêt général. Cette mutation/transformation considérable du paysage culturel réclame un effort d’innovation et d’imagination de tous les responsables pour structurer le secteur artistique et culturel, revoir et approfondir l’ensemble des dispositifs qui permettent l’organisation de la politique et de la vie culturelle. C’est dans ce contexte là qu’Adata.a qui regroupe et coordonne des artistes de toutes disciplines souhaite intervenir et s’affirmer porteur de propositions d’intérêt collectif.
Au principal l’adada.a est porteur d’un projet qui comporte trois volets : travailler à préfigurer un Centre régional de ressources ; encourager et configurer des mises en réseaux ; Soutenir l’économie solidaire pour modifier les termes économiques de l’échange avec les usagers et offrir aux structures des statuts juridiques et économiques mieux adaptés.
Pour mettre en œuvre de telles orientations, l’adada.a souhaiterait d’une part : obtenir l’appui des pouvoirs publics, assorti d’un soutien financier adéquat, d’autre part pouvoir s’implanter, gérer et animer des locaux conformes et adaptés à sa mission.
Atteindre de tels objectifs ne peut que s’accompagner d’un échéancier sur le court et moyen terme, permettant une mise en place progressive de l’outil propre à satisfaire les besoins identifiés. Dans un premier temps, l’adada.a souhaiterait réfléchir, préfigurer, anticiper de nouveaux modèles d’organisation correspondant aux évolutions et mutations en cours dans le secteur culturel. Entre études et travaux pratiques, l’éventail est très large des dispositifs à mettre à l’épreuve de la réalité. Disposer de locaux en grand nombre et variés permettrait à l’adada.a de patronner des expérimentations concrètes. Comme il s’agit de création et d’innovation , ces « expériences » doivent faire l’objet d’une évaluation probante et d’un suivi attentif des pouvoirs publics. À partir de là, voyons plus en détail comment peuvent se moduler et s’agencer nos trois axes de réflexion, sans omettre qu’ils s’articulent les uns avec les autres et constituent de ce fait un tout cohérent.
Un objectif ambitieux : un Centre Régional de Ressources des Arts.
Un tel Centre, la profession l’appelle de ses vœux depuis des années …partant du constat qu’il y a pénurie criante de salles de répétitions, de lieux de fabrications, de lieux de monstrations…En réalité un inventaire détaillé peut précéder et accompagner la création du Centre de ressources que nous appelons de nos vœux. Il n’a pas vocation à se substituer au tissu existant mais à le prendre en compte et à orchestrer l’utilisation des ressources. Il ne s’agit pas tant de faire un inventaire de circonstance que de « structurer » et organiser une bonne exploitation de ce qui existe. Ce serait dans le court terme un premier pas.
Si le Centre peut disposer de locaux conséquents : salle de répétitions, salle de réunion, ateliers de fabrication, lieu de monstration et de stockage du matériel …C’est un bonus pour les « structures » les moins bien loties et en particulier pour les émergents. À l’origine de l’aspiration d’un centre de ressources, il y a une volonté affirmée d’offrir un cadre de référence à la formation et à la professionnalisation. Encore une fois il ne s’agit pas de confisquer les tâches induites par la formation et la professionnalisation au bénéfice d’un Centre mais de trouver auprès de lui un appui utile (des services) et d’attendre de lui une orchestration/ coordination des ressources. Dans ces conditions, un Centre de Ressources peut trouver sa vitesse croisière en tant qu’outil au service du secteur des arts, outil géré par les artistes eux-mêmes, organisés en conséquence. Une planification voulue et contrôlée par les artistes peut répondre à la nécessité d’une meilleure organisation des échanges entre les artistes et les populations. Il lui faut un lieu symbolique bien concret dans lequel tous les artistes puissent se reconnaître, dans lequel les usagers (les publics) puissent aussi se reconnaître. Autant dire que le Centre de Ressources ne se limite pas à la stricte sphère des professionnels. Un tel Centre existe en Bretagne (Rennes) en forme d’EPCC…Il peut en Basse-normandie se concevoir à moyen terme et sceller une volonté commune de l’État, des collectivités territoriales et des artistes. Messieurs Philippe Duron (alors Président de Région) et Parthenay (directeur Régional des Affaires Culturelles) en avait jeté les bases en 2005 ! (Il s’agissait alors d’une maison du théâtre à inscrire au Plan). L’implantation dans un lieu d’une préfiguration ou brouillon de Centre permettrait une démonstration probante de son utilité. Permettrait aussi d’éprouver de nouveaux modes « collectifs » d’appropriation et de gestion d’outil d’intérêt collectif .
Se constituer en réseau : une nécessité incontournable.
Que nous apprennent les difficultés que rencontrent la plupart des structures artistiques ?
Que le temps du tout individuel et du chacun pour soi est révolu. Structurer un peu mieux l’offre et la demande, rationaliser et réguler le développement des entreprises et conforter l’exercice des métiers. Le tout en osmose avec les usagers.
Un effort de mutualisation est en cours qui devrait porter ses premiers fruits. Il reste, au niveau régional, à créer un tissu de réseaux multiples (ces créations peuvent anticiper des regroupements régionaux . type basse et haute Normandie. Type grand Ouest pour la Danse.)
L’adada.a a voulu regrouper tous les artistes et restera fidèle à cette volonté, organiser des regroupements est apparu bien nécessaire. Pourquoi ? En réalité la plupart des disciplines comportent nombre d’acteurs : du professionnel le plus « consacré » à l’usager (spectateur-lamba) en passant par les éducateurs, amateurs, diffuseurs et institutions diverses…Nombre d’acteurs donc qui ne se parlent pas ! (le clivage culture et socio culturel aidant, on peut même dire que l’on s’ignore dans une malveillante indifférence. La saisie réelle d’un secteur artistique s‘avère, de ce fait, extrêmement difficile et délicate.
Mais la crise est là et les problèmes de diffusion par exemple, ont pris une dimension phénoménale …Problème sans issue si ce n’est qu’enfin les professionnels ont le devoir de s’organiser et de se structurer un peu mieux !
Le réseau permet un traitement collectif des problèmes. Un réseau Danse est en cours de configuration. Un réseau « lieux alternatifs » aussi…Ce n’est qu’un début. Là encore, un espace « commun » (un bureau ?) devrait tôt ou tard favoriser et consacrer les mouvements de convergence sans que cela hypothèque l’indépendance des acteurs.
Quoiqu’il en soit l’adada.a ne cesse de solliciter et encourager les artistes à mieux s’organiser. L’absence de bureau et salle de réunion nuit à cette capacité d’organisation. …D’autant que l’adada.a, en priorité, s’astreint à soutenir les plus fragiles (devoir de solidarité) et les plus démunis …L’adada.a a donc besoin d’une relative autonomie qui ne peut devenir réalité qu’avec l’usage de locaux qui lui soient propre. Beaucoup d’artistes de toutes dimensions demandent à l’Adada.a de leur chercher des locaux, voire s’inquiètent de solutions de dépannage. Précarité, bricolage et système D ont leurs limites ! Le plus désespérant étant la dépréciation du travail artistique lui-même quand les obstacles, contraintes, le sous financement, l’absence de confort dans le travail, trop de précarité et d’incertitudes constituent des facteurs défavorables à la réalisation d’œuvres artistiques exigeantes. Au total c’est une certaine qualité professionnelle qui est affectée au détriment des artistes comme des citoyens. Mettre en réseau nous conduit donc à poser fermement la question du rôle et de la fonction dévolus aux publics ? Ce qui ouvre sur le dernier volet qui caractérise la réflexion que l’adada.a encourage : rôle et place des usagers. Quel modèle économique mettre en œuvre.
Lieu de culture /lieu de vie : une nouvelle approche de l’art ? une nouvelle économie pour un nouveau type d’échange.
Entre productivité exacerbée et consommation outrancière, la société ne propose pas aux artistes des modèles économiques de référence. L’œuvre de l’artiste n’est pas un produit marchand sauf par défaut. C’est donc bien, en explorant la voie de l’économie solidaire que de plus en plus d’entreprise culturelle cherchent à légitimer et inventer de nouveaux modes de gestion. L’artiste est invité à proposer un rapport nouveau à la personne citoyenne qui s’intéresse à son travail. Le lien s’entretient sur une autre base que la stricte consommation. Rendre l’appropriation par le public possible, réfléchir une certaine cogestion et un nouvel équilibre et partage des valeurs…Autant de facteurs de recomposition des modes de gestion. L’art et l’utopie ont toujours entretenu des rapports étroits …La passion artistique s’accommode assez mal de l’appât du gain, s’accommode aussi mal de l’ordre établi comme du conformisme .
Par conséquences, l’imagination et la créativité peuvent donner aux artistes l’opportunité de réviser les modèles aussi bien sociaux qu’économiques. Ils sont donc « enclins » (quoique cela n’ait rien d’automatique) à l’expérimentation et peuvent anticiper des rapports sociaux en devenir. L’interactivité avec les usagers et les publics renforce et stimule l’impact social du travail artistique. L’économie solidaire n’est donc pas un gadget mais un espace d’expérimentation de nouveaux modes d’existence des rapports entretenus entre tous les acteurs. Dès lors les artistes paraissent les partenaires tout indiqués de toutes formes de recherche dans toutes les strates de la société. Ainsi une culture des « beaux arts » devient-elle insensiblement mais sûrement une culture du « vivre ensemble »
Conclusion : quels locaux pour l’adada.a ?
Dès sa création, l’adada.a a sollicité de la ville de Caen la jouissance de locaux. Notamment dans le centre ville. En effet l’absence de lieu tend à « démobiliser » les adhérents qui avec un lieu verrait réalisés concrètement , leur aspiration à se rencontrer et à échanger. En réalité la jouissance de « lieux » pouvant nous convenir ne valent qu’en rapport aux buts poursuivis.
Stockage de matériel, salle de répétition ou de réunion, bureaux…L’adada.a devrait pouvoir organiser et assurer un usage occasionnel de tels outils, au bénéfice de tous les artistes. l’existence de bureaux affectés par réseaux peut s’avérer stimulant pour encourager la structuration des secteurs . Il s’agit bien de locaux affecté à l’orchestration de l’intérêt collectif. C’est une donnée essentielle qui augure d’une réflexion et de pratiques ayant pour objet l’intérêt général. Dès lors, la cohabitation avec d’autres partenaires de l’innovation et d’autres acteurs de la transformation sociale peut prendre tout son sens. Enfin émergence et formation impliquent une vision dynamique et prospective de l’usage de locaux. Construire et se construire à travers un univers restent les marqueurs de l’activité artistique…En inventant des lieux alternatifs c’est tout autant l’art contemporain qui s’invente et se reconfigure à travers les lieux que l’abandon de comportements trop catégoriels. Se fédérer et s’ouvrir peuvent être des atouts de modernité.
Voilà pourquoi la problématique des lieux reste un art de joindre l’utile à l’agréable …Et reste pour l’artiste un terrain d’aventure et d’invention permanente.
Jean-Pierre Dupuy
8 Juillet 2009
PS : Ce texte éclaire les raisons qui autorise l’Adada a souhaité la jouissance de locaux sans plus entrer dans le détail. Il ne dit rien de l’impatience de nombre d’adhérents de s’engager dans un processus plus concret d’aménagement de lieux.
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